Pendant longtemps, les mesures photométriques classiques, flux lumineux (lm), intensité (cd), température de couleur (CCT) et indice de rendu des couleurs (CRI), suffisaient à caractériser un luminaire.
Mais cette approche ne tient plus face à la montée en puissance des LED à spectre variable, ou LED tunables.
Ces luminaires, capables de modifier leur spectre en temps réel, bouleversent nos outils de mesure et de conception.
Comment les évaluer ? Comment simuler leur comportement ? Et comment garantir la qualité d’un éclairage dynamique ?
Bienvenue dans l’ère de la photométrie vivante.
Les limites des grandeurs classiques
| Grandeur | Limite avec LED tunables |
|---|---|
| Flux lumineux (lm) | Varie selon la composition spectrale. Deux CCT différentes donnent des flux différents. |
| CCT (température de couleur) | Ne renseigne pas sur la structure spectrale réelle : deux LED de 4000 K peuvent avoir des rendus très différents. |
| CRI (Ra) | Basé sur 8 couleurs pastel, ne reflète pas les rendus dynamiques ni les spectres complexes. |
On a donc besoin de mesures spectrales et temporelles plus fines.
Nouvelles approches de mesure
“Spectral snapshots”
Un luminaire tunable doit être mesuré à plusieurs points représentatifs :
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5 à 9 mesures de spectre entre 2700 K et 6500 K.
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Pour chaque point : flux, intensité, Rf/Rg (TM-30), UGR, etc.
Cela constitue un profil spectral complet, bien plus parlant qu’un simple “CCT = 4000 K”.
Mesure dynamique (dans le temps)
Pour les systèmes HCL, la lumière évolue tout au long de la journée.
Les nouvelles métriques intègrent le facteur temporel :
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évolution de CCT, Rf, EML (Equivalent Melanopic Lux).
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impact circadien selon l’heure de la journée.
Facteur biologique
Les effets non visuels sont mesurés via :
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EML (CIE S 026:2018)
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M/P ratio (melanopic/photopic)
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CIR (Circadian Index Ratio)
Ces indicateurs traduisent la stimulation biologique de la lumière : essentielle pour les bureaux, écoles, hôpitaux.
Impact sur les logiciels de simulation (DIALux / Relux)
Des fichiers photométriques statiques… à la limite
Les logiciels d’éclairage utilisent des fichiers IES ou LDT statiques.
Un seul fichier ne reflète pas toute la réalité d’un luminaire tunable.
Vers les fichiers “multi-CCT”
Les fabricants commencent à proposer :
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un fichier par CCT (ex : 2700 K, 4000 K, 6500 K)
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ou des fichiers TM-33 (JSON/XML) intégrant plusieurs spectres dans un seul document.
Simulation du spectre
Les versions récentes de DIALux EVO permettent d’intégrer des spectres mesurés et de calculer TM-30 (Rf, Rg).
Mais la simulation du cycle temporel reste manuelle : il faut intercaler les états de lumière dans le temps.
Conséquences pour les acteurs de la filière
Fabricants
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Fournir des données multi-CCT et spectrales.
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Mesurer selon TM-30, CIE S 026, et TM-33.
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Communiquer sur la performance dynamique et non statique.
Concepteurs lumière
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Interpréter les indices spectraux : Rf, Rg, EML, CIR.
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Simuler plusieurs états d’éclairage dans DIALux/Relux.
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Intégrer la dimension temporelle dans les projets HCL.
Prescripteurs
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Exiger dans les CCTP des performances à plusieurs CCT.
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Passer du critère “CRI > 80” à des spécifications dynamiques.
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Choisir des luminaires interopérables (DMX, DALI-2 Type 8).
La photométrie entre dans une nouvelle dimension : celle du spectre vivant.
Les LED tunables nous forcent à regarder la lumière autrement :
non plus comme une valeur figée, mais comme un flux spectral évolutif.
Les outils, normes et méthodes évoluent, mais la philosophie reste la même :
mesurer pour mieux concevoir.
La lumière du futur ne sera pas seulement “bonne” en lux, mais “juste” en spectre.



